Oeuvre expliquée par l’herméneutique de l’art
Au bout du monde est une acrylique sur toile de 16 x 8 pouces, réalisée en 2024 par LO.
L’œuvre est une représentation captivante d’un phare sous un ciel dramatique, avec son reflet magnifiquement capturé dans l’eau en contrebas. Le phare lui-même se dresse comme une sentinelle robuste sur fond de nuages tumultueux, remplis de variations tonales. Le choix des couleurs dans le ciel traduit plusieurs émotions dont celui de l’espoir, avec ce coin de ciel bleu, qui annonce peut-être le retour d’une vie paisible après un ciel tourmenté, miroir de l’état d’esprit de l’artiste.
LO cherche à nous faire comprendre que le ciel au-dessus de nos têtes ne peut pas toujours être gris et que les tracas finiront par se dissiper. Le soleil derrière les nuages crée une atmosphère plus chaleureuse, ajoutant de la couleur à la composition en miroir. La palette s’articule autour de très peu de couleurs. Le but n’était pas de faire parler les couleurs, mais le sujet.
Le reflet dans l’eau est rendu avec une étonnante clarté, reflétant le phare et le ciel avec une subtile distorsion de couleurs. Cette dualité entre le reflet et le sujet physique ajoute une couche de complexité de lecture qui invite les spectateurs à considérer les thèmes de la réalité et de la perception de cette réalité, toujours plus édulcorée. Le phare et son reflet démontrent une maîtrise du dessin, conférant une qualité tactile à l’oeuvre et une composition qui fascine le spectateur. Nous sommes happés autant par la section haute que par la section basse de l’oeuvre. L’artiste nous offre un point de vue intéressant sur ce ciel qui occupe la majeure partie de sa peinture. L’ambiance capturée laisse flotter un air de mystère sur ce lieu qui se trouve au bout du monde.
Un phare représenté de jour a une signification différente d’un phare représenté de nuit. La fonction de cette lumière salvatrice est différente. De nuit, cette lumière agira en sauveur, en guide. De jour, il agira en veilleur et devient un flambeau de vérité, guidant les âmes égarées comme repère visuel pour la navigation.
L’une des dynamiques de cette peinture réside dans l’utilisation du contraste. La structure solide et géométrique du phare et de cette tour que l’on devine à ses côtés contrastent avec les formes fluides des nuages, créant une intrigue qui entraîne le spectateur au coeur de la scène qu’il cherche à saisir. Ce contraste est souligné par la luminosité du soleil qui apporte avec lui les couleurs de la scène. Cette lumière du jour met en valeur les détails du phare tout en permettant à certaines parties du ciel et de l’eau de se faire face dans une douceur paisible, réconfortante, dans une gamme de couleur complémentaire à cette bande de verdure qui fixe la ligne d’horizon et qui sépare l’oeuvre en deux parts égales. L’oeuvre toute en hauteur pousse le spectateur à lever les yeux vers le ciel (ou à les baisser vers la terre pour également voir le ciel ici-bas).
On y trouve quatre éléments symboliques dans cette peinture: l’eau, la terre, l’air et le feu (qui est symbolisé par le soleil). L’eau est source de vie, moyen de purification et centre de régénérescence. La terre s’oppose symboliquement au ciel comme le principe passif s’oppose au principe actif, c’est le féminin opposé au masculin, le yin et le yang qui forment un équilibre immuable. La terre est la substance universelle, une matrice qui conçoit la vie. Le phare étant le principe masculin. L’air est associé au vent, au souffle. Il représente le monde subtil intermédiaire entre le ciel et la terre, celui de l’expansion qu’emplit le souffle nécessaire à la subsistance des êtres. Le feu a une importance fondamentale. Le soleil symbolise le divin. Le feu symbolise donc le rituel, c’est-à-dire les rites de purification et/ou de passage, voire les rites initiatiques.
Cette oeuvre pourrait globalement symboliser le retour aux sources, quand l’artiste retourne à la mer pour se ressourcer, quand son ciel est tourmenté. L’oeuvre Au bout du monde, pourrait tout aussi bien s’intituler Au bout de soi-même car on cherche souvent très loin dans le ciel ce qu’il y a en soi-même. La voie en terre conduit jusqu’au bout du monde, certes, mais pousse aussi au dépassement de soi car il y a toujours possibilité d’aller au-delà de la terre ferme pour continuer son cheminement intérieur.
Texte d’HeleneCaroline Fournier,
experte en art et théoricienne de l’art