A priori, on pourrait voir cette scène de marina comme statique – figée dans son format carré. Or, le mouvement tranquille de l’eau indique que tout est en mouvement. Le contraste entre temps long et temps court est encore plus évident dans cette oeuvre. Les bateaux à quai évoquent une attente qui peut être interminable; c’est le temps long. A contrario, l’homme d’affaires qui s’apprête à poser son pied sur le ponton; c’est le temps court. La seconde suivante, le personnage n’est plus dans la même position. On lui imagine une histoire: retourne-t-il à son bureau avec sa cravate dans le vent après s’être réfugié à la marina de Sillery pendant son heure de dîner ? Est-il l’un des heureux propriétaires ou rêve-t-il d’en devenir un ? L’artiste a saisi une fraction de seconde dans un tableau qui lui a pris une centaine d’heures à peindre. Le temps qui passe est présenté tout en mouvement. Temps long et le temps court sont imbriqués dans cette toile carrée – un choix tout à fait inconscient de l’artiste – qui symbolise parfaitement un arrêt dans le temps ou un instant prélevé. L’ambivalence et l’ambiguïté relatives à la temporalité sont présentées, comme deux forces narratives qui se répondent l’une l’autre.
Texte d’HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art, rédactrice spécialisée, critique, journaliste indépendante, évaluatrice en collections privées et corporatives